BIOGRAPHIE:
Peintre. Frère de Joseph Stevens. Formation à l'Académie de Bruxelles chez François-Joseph Navez (1834 - 1835). De 1837 à 1839, il suit aussi des cours chez J. Paelinck et, en 1839 - 1840, chez J.-B. Van Eycken. En 1844, il se spécialise chez C. Roqueplan à Paris et travaille jusqu'en 1849 à l'Ecole des Beaux-Arts chez J.D. Ingres. S'installe à Paris en 1852. Durant cette période, il débute aux Salons de Paris et d'Anvers. Peint des portraits, des femmes, des intérieurs, des tableaux de genre et des marines. A Paris, il fait la connaissance de différents peintres impressionnistes tels que Manet et Berthe Morisot. S'y lie d'amitié avec Charles Baudelaire, Fantin-Latour, Emile Bazille et Puvis de Chavannes. Débute par des tableaux de genre conventionnels, partant d'un sentiment social, que l'on retrouve chez Charles Degroux par exemple.
Vers 1885, il passe à une conception moins anecdotique du genre et choisit ses modèles dans la haute bourgeoise. Avec comme thème central la vie de la Parisienne élégante, il connaît une carrière brillante surtout pendant le Second Empire. Style précis, palette claire et lumineuse. A également été l'un des premiers amateurs de "Japonaiseries" ou "Curiosités japonaises". Troublé par les recherches des impressionnistes, il traverse vers 1880 une crise morale et tente d'abandonner ses thèmes mondains pour travailler sur nature; Courbet et Manet influenceront ses marines de 1883-1885, peintes à Etretat, à Sainte-Adresse, puis à Menton. Mais l'évolution de l'impressionnisme vers le divisionnisme le déconcerte, et il manifestera violemment son hostilité à l'égard de Seurat.
A partir de 1880, il dirige une "Académie Libre" pour jeunes dames à l'Avenue Frochot. Sarah Bernhardt a été l'une de ses élèves. En 1886, il a publié "Impressions sur la peinture" dédiées à Corot. Œuvres dans les Musées d'Anvers, Bruxelles, Ixelles, Tournai, Liège.
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Alfred Stevens, cet ami fervent de Manet, avait bâti sa réputation sur des descriptions japonisantes de la femme du monde sous le Second Empire; avec une virtuosité rare, il y distribuait d'heureux accents de lumière. Lorsque le peintre descendit sur la côte méditerranéenne, il eut le goût des marines et des coins ensoleillés de Menton; sous l'effet de miroitements lumineux, la facture s'assouplit et le geste acquit une vivacité sténographique que l'artiste semblait s'interdire dans ses tableaux d'intérieur. Egalement dans ses petites marines peintes dans les environs du Havre, "on retrouve la riche palette de l'éminent artiste et l'élégance des tons qui lui est habituelle" lit-on dans L'art Moderne.
Alfred Stevens dut éprouver à sa maturité le désagréable dilemme entre son attirance pour la liberté interprétative de l'impressionnisme et sa réprobation conservatrice devant les audaces techniques sciemment voulues par Monet et ses amis. Ne dévoile-t-il pas la nature de ce dilemme lorsqu'il déclare: "Ces impressionnistes sont fous; je dis fous, et non pas sots. Après tout, j'aime encore mieux le "Sacré nom de Dieu" de l'impressionnisme, que la confiture de Monsieur Bouguereau". L'homme qui avait fondé son art sur les faits mondains de son temps rejetait les allégories insipides du maître de l'académisme "pompier", mais il lui était cependant impossible d'adhérer vraiment au nouveau credo impressionniste et à ses violences.
- "L'impressionnisme et le fauvisme en Belgique", Serge Goyens de Heusch- Fond Mercator Albin Michel, 1988.