Biographie:
Peintre, poète, essayiste, Claude Haumont est né le 21 juin 1936 à Jemappes. Il partage son enfance et son adolescence entre le Borinage des terrils, des champs et des bois (Colfontaine, Pâturages, La Bouverie, Le Rieu du Coeur...), la Thudinie, la Vallée du Viroin et le pays de Charleroi. Ciel noir, là-bas, qui delivre des oiseaux roux, ciel ivre, truité de rouge, industriel, de charbon, de fer et de cuivre, écrira-t-il dans les années soixante. Couleurs que sa palette privilégie aujourd'hui: le noir, le rouge, les verts et les bleus sombres, les terres, les ocres... comme s'il était revenu enfin au "Pays noir", ce noir étant le plus lumineux qui soit.. Il pratique la gouache sur papier qu' il traite comme un lavis, largement étendue d' eau; puis tachée, rayée, striée, de traces au crayon, au fusain, au pastel, à l' encre; d' arrachages et de balafres à la brosse, à la spatule, à la lame plus ou moins émoussée. La peinture à l' huile ne le séduit guère, si ce n' est en guise d' appoints, marques et rehauts. Très tôt, Claude Haumont emplit carnets et cahiers de notes, de croquis, de poèmes... Au cours de ses humanités, il acquiert une formation artistique élémentaire grâce à ses professeurs de dessin Floréal Brogneaux, Emile Tainmont, Richard Pouillon. En 1952, il découvre, émerveillé, les œuvres de Turner, Constable et W. Blake, à la National Gallery. Ses goûts le portent, à la fin des années cinquante (l' Expo de 1958 est déterminante) vers l' expressionnisme abstrait, allusif où la figuration n' est pas tout à fait absente, mais comme évoquée, fantomatique, voilée. Etudiant en médecine et en psychologie à Liège, Bruxelles et Genève, il s' intéresse plus à l' esthétique des coupes histologiques et cytologiques qu' à leur enseignement scientifique. En 1964, Claude Haumont s' intègre dans l' équipe rédactionnelle des éditions Marabout et publie plusieurs ouvrages de vulgarisation médicale et paramédicale. Il est ainsi l' auteur du premier livre de poche sur la contraception. Nourri de symbolisme et de surréalisme, il est ravi que Breton lève l' interdit sur la non-figuration du moins dans sa fougue expressionniste, lyrique, "americaine": les revues surréalistes d' après guerre en témoignent suffisamment. Claude Haumont se reconnaîtra dans Bertini, Dax, Degottex, Zao Wou-ki, Paalen, Toyen, et bien entendu et depuis très longtemps, Henri Michaux! Le Michaux de Miserable miracle, avant tout. Membre des Artistes de Thudinie depuis 1965, il publie régulièrement dans Le Spantole, ainsi que dans diverses revues en Belgique, en France, en Suisse, au Canada... Citons Marginales, Le Thyrse, et surtout Inedit de son ami Paul Van Belle. Il a aussi publié des "proses" dans les Levres nues de Marcel Marien. Il fait la connaissance des derniers survivants du groupe surréaliste du Hainaut, se lie d' amitié avec Achille Chavée et Armand Simon ainsi qu' avec André Balthazar, qui l' accueillera aux éditions du Daily-Bul en y publiant trois de ses recueils "poetiques". Dans la foulée il ecrit trois poèmes pour illustrer cinq estampes gravées et imprimées de Gabriel Belgeonne, en octobre 1984. Le Prix hainuyer de littérature francaise Charles Plisnier lui est attribué en 1993 pour Le Hors venu.
Gouache sur papier (42 x 29,5) cm.
"L' indicible" de Roger Pierre Turine (Le Vif / L' EXPRESS 19-25 avril 1991)
Claude Haumont ne s'exhibe pas, et il fut un temps, peu lointain, où entrevoir ses gouaches relevait d'un privilège inusité. Peur de déplaire ou peur, surtout, de n'être pas justement perçu? Un poète ne se livre pas à nu. Propagateur de fois, d' espérances ou, plus généralement, d' angoisses viscérales, il est plus encore un arpenteur impénitent des terres insondables et, partant, indicibles, dont il parvient à franchir les frontières obscures au prix de gymnastiques souvent vertigineuses. Quinquagénaire œuvrant, de longue date, sur le double front des mots et des encres colorées, Claude Haumont s' est, enfin, résigné à nous offrir un large panorama de trente-cinq ans de gouaches. Aussi nous en voudrions-nous de ne pas répercuter l' évènement. Même si leur auteur préfère, de loin, la solitude qui présideàa ses accouchements graphiques, aux tapages toujours un peu désobligeants qui entourent une exposition. S' étant résolu a l' inévitable, il a largement puisé dans ses tiroirs à souvenirs pour nous livrer une bonne cinquantaine de ses jets de lave et de sang. Le constat est frappant: trente-cinq années de sueurs intérieures n'ont rien fait à l' affaire, l' homme n' a pas devié d' un pouce de la voie que lui a tracée une existence accomplie dans le dur désir de défier les voix intérieures. Certes, dans le travail épinglé, peut-on déceler des périodes, des urgences diversement exprimées. Des gestuelles gavées de feu, ou des vibrations davantage colorées de sérénité. Des abstractions plus ou moins structurées. Des trainées de larmes, ou des arrêts de masques. Des chants tragiques, convulsés, et des complaintes empreintes de légère vivacité. Selon les heures et les humeurs, Haumont s' est apaisé ou violenté, entraînant ses encres, ses taches, ses griffures, ses noeuds enfiévrés, dans l' étrange sarabande imprimée à son dessin par un coeur soudain décidé à se livrer corps et biens. Ombres et lumières à vif, le plasticien prend ici la relève du poète pour sonder, toujours plus profondément, cette éternité qui pourrait être simple si elle ne nous était sans cesse brusquée par d 'inattendues convulsions. Honnête, et jetée sur le papier pour déjouer les errances arbitraires, une œuvre à saisir entre les lignes.
Gouache sur papier (42 x 29,5) cm.